En Ukraine et ailleurs dans l’ex-URSS : honneur aux anciens SS

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A l’Est, les nazis de hier sont réhabilités


En Ukraine, comme dans d’autres ex-républiques soviétiques, le temps est désormais à la réhabilitation des anciens collaborateurs nazis, actifs durant la Seconde Guerre mondiale. Auxilliaires des Allemands, ils ont participé activement à la répression contre les partisans et aux massacres de populations civiles : juives, tziganes, polonaises et russes. Certains sont impliqués dans des crimes de guerre.

Aujourd’hui, ces ex-nazis, dont ceux de la SS ukrainienne, sont considérés comme des héros de la «résistance nationale», avec l’aval des nouvelles autorités politiques locales, soutenues par l’Union européenne et les Etats-Unis. Viktor Iouchtchenko, le leader de ladite «Révolution orange», est directement impliqué dans ce révisionnisme historique. Comme le démontre Ilya Peroun, spécialiste de RésistanceS.be pour la Russie et l’ex-URSS.

Affiches éditées cette année, par des néonazis d’Ukraine, pour le soixante-sixième anniversaire de la création de la Division Waffen SS urkrainienne – Doc. Archives Antifarusse.

Le 28 avril dernier, la droite nationaliste ukrainienne a célébré l’anniversaire de la fondation, le 23 avril 1943, de la division Waffen SS «Galizien» (Halitchina, en ukrainien). La principale formation néofasciste locale, «Svoboda» (Liberté), dirigée par Oleh Tiahnibog, a fait installer à Lviv (Lwow), la capitale de la Galicie (Ukraine occidentale), avec l’autorisation de la mairie, de grands panneaux publicitaires en l’honneur de cette «division étrangère» de l’armée de la SS. Le gouvernement ukrainien actuel, par la voix de son ministre de l’Intérieur, a estimé qu’il n’y avait rien d’illégal à cette initiative, la première du genre… par ailleurs.

C’est donc officiellement et légalement qu’est installé depuis plusieurs jours dans les rues de Lviv tout un équipement de propagande de la division nazie de Galicie, sous l’appellation «Division ukrainienne Galitchina», avec pour emblème le «lion galicien», et non la croix gammée, qui fut pourtant son drapeau initial. Tout cela accompagné de la mention : «Ils ont combattu pour l’Ukraine» Pour rappel historique, ces combattants nazis ukrainiens étaient sous les ordres directs d’Hitler et d’Himmler, le chef suprême du IIIe Reich nazi et celui de ses SS, l’«élité» du régime nazi (1933-1945).


Les liens de Viktor Iouchtchenko avec le «national-fascisme»
Selon le président des services de sécurité ukrainiens (SBU), Valentin Nalivaitchenko, c’est sur commande de la formation néofasciste «Svoboba» et avec l’autorisation du conseil municipal de Lviv que les panneaux ont été installés. «Il n’y a rien en cela», a-t-il précisé, «qui soit contraire aux engagements internationaux de l’Ukraine, il n’y a pas de mention ”SS”». En effet ! Mais pour prendre un exemple belge, c’est comme si, en Belgique, on installait des panneaux publicitaires glorifiant la légion flamande «Langemark» ou la légion «Wallonie» de Léon Degrelle, sans préciser qu’il s’agissait de divisions de la Waffen SS.

Ce «scandale» de Lviv est dénoncé par le Parti des régions, mais non par les formations de l’ex-coalition dite «orange», au sein de laquelle militent aussi bien des nationalistes radicaux et des néofascistes que des partisans d’une Ukraine pro-américaine et pro-européenne. «Svoboba» a obtenu 35 % des voix lors des récentes municipales à Ternopol, l’une des grandes villes de Galicie… Ternopol fut aussi l’un des haut-lieux, pendant la Deuxième Guerre mondiale, du génocide nazi, de l’extermination des juifs. Dire que «Svoboba» est «nationaliste» est un euphémisme.

Pour sa part, le Parti communiste d’Ukraine, par la voix d’un de ses jeunes dirigeants, Alexandre Goloub, a dénoncé avec virulence la «révision du procès de Nüremberg», dont la principale responsabilité est attribuée au président Viktor Iouchtchenko, accusé de se rapprocher du «national-fascisme». Entre autres preuves citées à l’appui de cette accusation : le fait que le président ne parle plus de «peuple» mais de «nation» et en appelle à «penser ukrainien», dans un pays multinational et multiconfessionnel. Au même moment, un projet de loi nationaliste prévoit de punir les personnes qui persistent à user de la langue russe dans les administrations publiques – alors que l’Ukraine compte une majorité de russophones, principalement à l’Est, au Sud et à Kiev.

L’«ukrainisation», avec un discours nationaliste et «cryptoraciste» à l’égard des Ukrainiens russophones, est donc bel et bien en marche sous l’égide de Viktor Iouchtchenko, un démocrate pour la plupart des pays occidentaux. Signalons qu’au moment même de l’émergence de ces discours présidentiels nationalistes, des passages à l’acte visant des «cibles russes» ont été observés en Ukraine.

Les cibles : les Ukrainiens russophones
A Kiev, dans la nuit du 24 au 25 avril dernier, deux librairies de livres russes ont ainsi été incendiées par un commando ultranationaliste.

Les radicaux exigent maintenant officiellement «la purification ethnique» de l’Etat. Des mesures sont déjà prises pour empêcher ou entraver la diffusion en Ukraine de films russes et de programmes de télévision de Russie. La réthorique anti-russe du pouvoir s’inscrit dans la campagne, inspirée par les Etats-Unis, en vue d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, refusée selon les sondages par une majorité d’Ukrainiens.

Les thèses «révisionnistes» ukrainiennes, présentant les mouvements fascistes et collaborationnistes pronazis durant la guerre 41-45 en Ukraine comme ayant été des mouvements de «résistances nationales» (sic), bénéficient d’un succès croissant dans les médias occidentaux, qui reproduisent volontiers ces thèses. Il est vrai que des travaux d’historiens et des nouvelles recherches historiques sur les lieux du génocide nazi mettent en évidence la réalité des collaborations locales, ce qui provoque en haut-lieu à Kiev une certaine nervosité.

La Waffen SS galicienne fut l’une des nombreuses formations ukrainiennes intégrées ou alliées à l’Allemagne nazie. Elle est principalement issue de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN). L’OUN a été officiellement réhabilitée en 2007 par le président Viktor Iouchtchenko. Jusqu’à présent, c’était surtout une dissidence de l’OUN, l’Armée ukrainienne des insurgés (UPA), qui avait bénéficié de cette réhabilitation. Se réclamant de Stepan Bandera, inspirateur en 1940 des bataillons ukrainiens de la Wehrmacht engagés dans l’invasion de l’URSS, les «banderistes» (OUN-Bandera ou «Révolutionnaires») se sont ensuite rebellés contre l’occupant allemand, en juin 1941, tout en poursuivant la lutte armée contre l’Armée rouge soviétique et l’Armée polonaise. Accusés d’actions «génocidaires» contre des populations civiles polonaise, juive et tsigane, les combattants de l’UPA ont aujourd’hui été lavés de ces «calomnies bolchéviques» (sic) et honorés comme ayant fait partie d’une véritable «résistance patriotique», du moins en Ukraine occidentale et dans la mouvance politique engagée dans la «révolution orange» de 2004.

Quant à l’autre tendance de l’OUN, dirigée par Andryi Melnik et étroitement liée au Comité central ukrainien, organe coordinateur de la collaboration ukrainienne pronazie, et à l’Eglise gréco-catholique uniate, elle avait, dès 1941, demandé aux Allemands la mise sur pied d’une division ukrainienne de la Waffen SS. Ce n’est qu’en 1943 que les nazis ont finalement accordé cette faveur aux collaborateurs ukrainiens, après la terrible défaite de Stalingrad. L’Allemagne ayant alors besoin de nouveaux combattants.

Services secrets américains
A leur tour, les adeptes de la SS galicienne, réhabilitée de nos jours en Ukraine occidentale, réclament une reconnaissance officielle de leurs «mérites». Chaque 28 avril est l’occasion de raviver la flamme de leur souvenir nostalgique. Aux Etats-Unis et au Canada, la mémoire de ces ex-combattants nazis galiciens est toujours honorée au sein de la diaspora ukrainienne. Cette dernière est notamment formée d’anciens de la division SS galicienne qui combattit «héroïquement» (sic) l’Armée rouge et les partisans communistes en Slovaquie et en Slovénie, avant d’être versée dans l’Armée nationale ukrainienne du général Shandruk, puis largement «exfiltrée» par les services secrets américains et britanniques, dans le cadre de la préparation de la guerre froide qui succèdera à la Deuxième Guerre mondiale.

Un monument à la célèbre division «Galizien», érigé dès 1991 mais aussitôt détruit, devrait maintenant être rétabli dans la région de Lviv. C’est du moins le souhait des organisations «patriotiques». Un projet de loi est par ailleurs à l’examen au parlement ukrainien en vue d’une pleine réhabilitation de l’UPA et de la SS «Halitchina». Ce projet bénéficie de larges faveurs au sein du camp «orange», mais non sans hésitations ou réserves : une majorité se prononce pour la réhabilitation de l’UPA, présentée comme une «résistance nationale», une minorité seulement veut étendre cette faveur à la division SS, en raison notamment de sa mauvaise réputation au niveau international.

A l’inverse, le Parti des régions, surtout implanté à l’Est, et bien sûr les partis communiste et socialiste progressiste s’opposent à ces réhabilitations. Ce clivage recoupe celui des opposants et adversaires d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.