Portrait
du patron des éditions Dualpha-Déterna
Philippe Randa, un éditeur au service
de l'Ordre nouveau
L'extrême droite est multiforme : parlementaire, activiste,
médiatique... Le franco-belge Philippe Randa fait partie de
ceux qui passèrent des « actions musclées »
de rue au salon chic d'un certain monde littéraire parisien.
Journaliste, écrivain et éditeur, il dirige depuis 1997
les éditions Dualpha et Déterna. Et trône toujours
aux meetings des disciples de l'Ordre nouveau.

Les catalogues des éditions de Philippe
Randa sont régulièrement diffusés en direction
de l'extrême droite, tous courants confondus - Photo et documents
RésistanceS.
Philippe Randa est le fondateur en 1997 des éditions Dualpha
et Déterna. Dix ans plus tard, il les dirige toujours. Par
ailleurs, cet éditeur est lui-même auteur de près
d’une centaine d’ouvrages, allant de romans policiers
et d’espionnage à des livres érotiques ou de science
fiction. Mais le détail de quelques uns des titres des ouvrages
dont il est l’auteur (ou le co-auteur), est plus évocateur
de son orientation politique que son autoportrait ne le laisse percevoir
: « Dictionnaire commenté de la collaboration française
», « Rescapés de l’épuration »,
« Front de l’Est, le rêve éclaté »,
« Les écrivains-guerriers », « L’ordre
de la Francisque et la Révolution nationale », «
Vers la société multiraciste », « Dictionnaire
commenté de livres politiquement incorrects »...
Croix celtique et rat noir
Son vrai nom est Philippe-André Duquesne. Il préféra
néanmoins jadis utiliser le pseudonyme Philippe Randa. Philippe-André
Duquesne est né en 1960. A l'époque de ses études
parisiennes en faculté de droit, il fréquente le Groupe
union défense (Gud), une organisation étudiante liée
alors au Parti des forces nouvelles (une dissidence du Front national
de Jean-Marie Le Pen) et adepte des opérations coups de poing
contre ses ennemis. La croix celtique et le rat noir - également
utilisés par les néonazis - sont les symboles du Gud.
La batte de base ball est son accessoire favori pour ses actions commandos.
Après son activisme de jeunesse dans les rangs de l'extrême
droite musclée, Philippe Randa va se consacrer à l'écriture
et à l'édition. Une façon comme une autre de
poursuivre, en parallèle, un combat politique et une carrière
professionnelle. Il sera donc à la fois écrivain, journaliste,
libraire, éditeur, diffuseur de livres et toujours orienté
à l'extrême droite de l'échiquier idéologique.
Tout en changeant d'optique stratégique,
en adoptant celle du « combat culturel », il gardera toujours
un pied au sein de sa mouvance idéologique d'origine. Ainsi,
dans les années 1990, il fut le responsable et le collaborateur
d’innombrables titres de la « presse nationaliste »
en devenant le directeur de la rédaction du « Flambeau
littéraire » (le journal des éditions néonazies
française l’AEncre, et de la librairie parisienne du
même nom), le responsable des « Dossiers de National Hebdo
» (liés au Front national) et passera par la direction
de la rédaction du journal « L’Entraide nationale
» du pasteur frontiste Jean-Pierre Blanchard. Philippe Randa
va aussi s'investir sur Internet, dès que ce média s'ouvrira
au grand public. La publication de ses chroniques et articles politiques,
depuis les années 1990, se fera alors sur divers sites, celui
de feue l'Unité radicale (dont les pseudopodes se retrouvent
au Bloc identitaire et chez son ennemi juré le réseau
Radical de Christian Bouchet), sur « 4verites.com » de
l’ultralibéral Alain Dumait, sur « Voxnr »
(du déjà cité Christian Bouchet, ex-leader d'Unité
radicale et auteur chez Dualpha)...

Philippe Randa est également l'auteur
de nombreux livres, dont certains expriment une véritable nostalgie
pour un passé historique bien particulier. Encart publié
dans « Pas d’Panique à bord ! », n°15,
janvier 1994, un journal fondé par Philippe Randa – Document
RésistanceS.
Nombreux contacts belges
D'origine belge par son père, Peter Randa, un écrivain
né en 1911 dans la commune wallonne de Marcinelle, le patron
de Dualpha-Déterna a toujours eu de nombreux et bons contacts
avec l'extrême droite active en Belgique. En février
1996, Philippe Randa s'associe avec un certain Ralf Van den Haute.
Membre du Vlaams Blok (le nom d'origine de l'actuel Vlaams Belang),
ce dernier dirigea la Vlaams Jeugd, une organisation de jeunesse fondée
par des anciens de la SS flamande pour reprendre le flambeau de leurs
combats d'antan. Ralf Van den Haute est aussi le meneur de Thule-Sodalitas,
une minuscule organisation politico-religieuse sectaire néopaïenne.
L'association entre Ralf Van den Haute et Philippe Randa permet la
fusion des journaux qu'ils réalisaient respectivement : «
Europe nouvelles » et « Pas d’Panique à bord
! ». L'expérience fut toutefois très éphémère.
Malgré l'échec de cette
alliance franco-belge, Philippe Randa va garder des « amis politiques
» en Belgique. Ainsi, plusieurs de ceux-ci soutiendront à
la fin des années 1990 sa nouvelle publication, ayant le même
titre que ses éditions. La revue « Dualpha » promotionne
alors le journal bruxellois « Ket », édité
par l'association Bruxelles Identité Sécurité
(Bis), aujourd'hui connue sous le nom d'Alliance bruxelloise contre
le déclin (ABCD), animée par Pieter Kerstens, l'un des
responsables francophones du Vlaams Belang (VB) et « agent de
liaison » entre ce VB flamand et l'extrême droite française
(sur le Bis et l'ABCD ).
En octobre 2002, Philippe Randa participe
à une « grande réunion identitaire » à
Bruxelles. Cette réunion est proposée à l'initiative
de la revue belge « Devenir », un titre faisant directement
référence à celui du journal de la SS française
! L'ouverture en juin dernier de la librairie Primatice en plein coeur
de la ville wallonne de Liège confirme que Philippe Randa a
gardé de bons contacts chez nous (voir à ce sujet notre
article : « L'extrême droite française s'installe
à Liège » ).
La présence de plusieurs auteurs belges dans la liste des catalogues
de Dualpha et Déterna (voir à ce sujet notre article
: « Le who's who des auteurs des éditions Dulpha-Déterna
» )
en est une des autres preuves.

En 1996, Philippe Randa va fusionner la publication
qu'il éditait à l'époque, « Pas d’Panique
à bord ! », avec le journal belge « Europe nouvelles
» de Ralf Van den Haute, l'ancien dirigeant d'une organisation
néonazie flamande – Documents RésistanceS.
Un meeting d'Ordre nouveau
Le 27 octobre dernier, Philippe Randa trônait à la tribune
du meeting « Défendre notre identité »,
organisé à Paris par la revue « Synthèse
nationale ». Ce rassemblement adopta le style de ceux organisés,
il y a plus de trente ans, par Ordre nouveau, une organisation néofasciste
française de référence pour la génération
nationaliste actuelle et qui fut à la base du Front national
de Jean-Marie Le Pen, en 1972. En perspective de l'implosion annoncée
de ce dernier, « Synthèse nationale » ambitionne
d'unifier l'ensemble des courants radicaux de l'extrême droite
française au sein d'une nouvelle force politique.
C'est pour cette raison qu'elle avait
invité à son meeting du 27 octobre 2007 les plus illustres
leaders, historiques comme actuels, de l'extrême droite : Jack
Marchal (meneur du Gud dans les années 1970), Pierre Sidos
(dirigeant de l'OEuvre française, singularisée par sa
fidélité inchangée au fascisme), Fabrice Robert
(président du Bloc identitaire), Jean-François Touzé
(membre du bureau politique du Front national), Pierre Vial (dirigeant-fondateur
de Terre & Peuple), Anne Kling (présidente de l’association
Défendons notre identité et auteur du livre «
La France licratisée » publié en 2006 par Philippe
Randa), Robert Spieler (président d’Alsace d’abord)...
Prévu également au programme, Filip Dewinter, le numéro
deux du Vlaams Belang. Absent le jour même, il fut remplacé
par Hilde De Lobel, députée anversoise du VB et membre
de sa tendance radicale.
En participant comme orateur vedette au meeting
de « Synthèse nationale », avec le gratin du néofascisme,
Philippe Randa entretient bel et bien ses racines à l'extrême
droite.
Alexandre Vick
[avec Guy Laurent, membre
de l’équipe du Centre de recherches, d’information
et de documentation antiraciste (CRIDA) et correspondant de RésistanceS
en France]

Meeting d'Ordre nouveau, le 13 mai 1970, à
Paris. Ce mouvement néofasciste français avait réussi
à rassembler l'ensemble des courants nationalistes de droite,
ses organisations, revues et leaders : Jean-François Galvaire
(Ordre nouveau), François Brigneau (du journal « Minute
»), Alain Robert (Groupe union défense), Camille Galic
(de l'hebdomadaire « Rivarol »), François Duprat
(pour la revue « Défense de l'Occident »), Jean-Gilles
Malliarakis (de l'Action nationaliste), Patrick Saint-Bertais (du
mouvement Jeune Europe), Philippe Asselin (du journal « L'élite
Européenne »)... Ensemble, ils allaient ensuite fonder
en 1972 le Front national. Le mouvement Ordre nouveau reste de nos
jours un modèle pour l'extrême droite. Philippe Randa
et la revue « Synthèse nationale », en prenant
exemple sur ce mouvement, préparent la « droite nationaliste
» à l'Après-Le Pen.
Rééditeur
d'idéologues nazis
Philippe Randa a l'art d'esquiver les accusations de «
naziphilie ». Son astuce : publier d'innombrables livres
« touche à tout » : à l'art, à
l'histoire, aux religions, aux traditions ancestrales, à
la vie quotidienne... Sa stratégie : glisser parmi ceux-ci,
l'un ou l'autres titres « politiquement incorrects »
(c'est d'ailleurs le nom de l'une des ses collections). Mais
le patron de Dualpha et Déterna a un problème
: il est incapable de leurrer les spécialistes de la
question.
En effet, dans
les catalogues proposés par ses éditions, nous
avons trouvé les rééditions d'ouvrages
doctrinaux écrits jadis par des idéologues nazis
et fascistes. C'est entre autres le cas du livre « Le
Parti unique », rassemblant les écrits théoriques
du dirigeant fasciste français Marcel Déat (republié
en décembre 2005 chez Déterna), de « Combat
pour Berlin » de Joseph Goebbels, l'ex-chef de la propagande
du parti nazi allemand (paru également aux éditions
Déterna en 2006) et « Le Mythe du XXe siècle
» d'Alfred Rosenberg, l'un des principaux théoriciens
du IIIe Reich (en 2005 toujours chez Déterna).
La présentation
officielle faite au sujet de ce dernier livre pose les questions
suivantes :
ITALIQUE
« Parti en fumée à la manière des
vieux Européens, qui était Alfred Rosenberg ?
Était-il le monstre que l'on a dépeint ? Voulait-il
restaurer un certain paganisme comme l'accusaient les églises
chrétiennes ? Désirait-il plus simplement apporter
sa contribution au patrimoine de l'Europe en lui faisant prendre
conscience de sa grandeur ? Le Mythe du XXe siècle donne
la clé pour découvrir sa véritable personnalité.
Rosenberg aura peut-être été l'un des hommes
les plus mystérieux de ce siècle ». Dont
acte.

Couvertures du livre nazi « Le
Mythe du XXe siècle » : l'édition de 2005
chez Déterna de Philippe Randa (à gauche) et l'édition
d'origine publiée en Allemagne nazie en 1933 –
Document RésistanceS.
Avant sa réédition
en décembre 2005 chez Déterna, « Le Mythe
du XXe siècle » avait été pour la
première fois édité en français,
dans les années 1980, par les éditions Avalon,
de Jean-Dominique Larrieu et Tristan Mordrelle. Des pionniers
en matière d'éditions néonazies, dont la
filiation organisationnelle touche également Philippe
Randa, via diverses structures éditoriales. Tristan Mordrelle
est par ailleurs l'un des fondateurs de « L'Autre Histoire
»... une revue confidentielle négationniste vendue
à la librairie Primatice-Liège, ouverte en juin
2007 par... Philippe Randa.
M.AZ
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© RésistanceS – Observatoire belge de l'extrême
droite – www.resistances.be – info@resistances.be –
Article mis en ligne le 7 janvier 2008.
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La croix celtique et le rat noir, les symboles de l'extrême
droite fréquentée par Randa.
Plus d'informations ?
Sur les éditions d'extrême droite Dualpha et Déterna,
leur patron Philippe Randa, leur réseau d'influence et leurs
auteurs français et belges, il faut lire les articles de RésistanceS
suivants :
• La
Fnac au service de l'extrême droite ?
• Le
who's who des auteurs des éditions Dualpha-Déterna
• L'extrême
droite française s'installe à Liège
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Avec en communication
: «Soutien 07/01/2008»
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